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Anti-Cléricalisme : une mode ou un aveu ?

  • Photo du rédacteur: Cyprien.L
    Cyprien.L
  • 8 avr.
  • 12 min de lecture

Dernière mise à jour : 9 avr.

Réflexion chrétienne sur l’anticléricalisme moderne, entre héritage des Lumières, crise de l’autorité morale et espérance d’une foi libérée des caricatures.
Peinture baroque représentant Jésus couronné d’épines face à une foule accusatrice et à des soldats romains moqueurs. L’expression de Jésus, digne et blessée, contraste avec la violence des visages autour de lui. Lumière dramatique et composition en clair-obscur accentuent la tension spirituelle de la scène.

Introduction – Au-delà du rejet : ce que cache la haine du religieux


« La lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. » (Jean 3,19)

Il est de bon ton, depuis quelques décennies, de railler l’Église. De la tenir à distance. De la désigner comme relique d’un monde révolu, complice d’oppressions, lente à changer, suspecte par nature. En France plus qu’ailleurs, l'anti-cléricalisme prend une forme viscérale, presque culturelle. Il suffit d’un col romain dans le métro, d’un signe discret, pour réveiller des réflexes d’ironie ou de suspicion. Comme si l’institution tout entière portait en elle un crime non expié.


Mais que signifie réellement cette haine persistante du religieux, alors même que celui-ci a perdu l’essentiel de son pouvoir ? D’où vient cet acharnement contre le catholicisme, souvent bien plus ciblé que contre d’autres formes religieuses ? Et surtout : que cherche-t-on à effacer, à fuir, à ne plus voir ?


Il ne s’agit pas ici de défendre une institution coûte que coûte. L’Église a failli, parfois gravement. Elle a péché, et cela doit être nommé. Mais faut-il que toute exigence, toute transcendance, toute mémoire spirituelle soit emportée dans le même flot accusateur ? L’esprit de critique, salutaire lorsqu’il pousse à la réforme, ne devient-il pas stérile quand il refuse toute possibilité de vérité ?


À travers quatre axes, j’ai tenté d’approcher cette question sous des angles différents, mais liés par un fil commun : et si ce rejet du religieux disait plus de notre époque que de ce qu’elle rejette ?

Et si, derrière les critiques légitimes, se dissimulait une gêne plus profonde — celle d’être encore interpellés, d’être encore appelés, d’être encore vus ?


Ces quatre pistes sont à la fois des hypothèses personnelles et des invitations à penser autrement. Elles n’ont pas la prétention d’épuiser la question, mais simplement de rouvrir un débat souvent clos d’avance. Une liberté qui ne sait plus écouter, une société qui ne tolère plus le sacré, un peuple qui ironise sur la sainteté : que cherchent-ils vraiment ?


Peut-être, au fond, cherchent-ils Dieu…

…sans vouloir le reconnaître.



La libération a-t-elle tué l’exigence ?


« Entrez par la porte étroite. Large est la porte, spacieux le chemin qui mène à la perdition, et nombreux sont ceux qui s’y engagent ; mais étroite est la porte, resserré le chemin qui mène à la vie, et peu nombreux sont ceux qui le trouvent. » (Matthieu 7,13-14)

Il y a dans les grandes révolutions de l’histoire humaine un souffle que l’on ne peut mépriser sans injustice. Mai 68, à sa manière, fut ce genre de tempête. Une jeunesse lasse des dogmes, des hiérarchies, des silences figés, a crié vers le monde : liberté ! Corps, parole, désir, tout devait se réinventer. Et sans doute fallait-il que certaines murailles tombent. Le pouvoir religieux, engoncé parfois dans des formes desséchées, s’était éloigné de la vie. Il avait, peut-être, oublié qu’il ne parlait pas d’abord au nom d’une institution, mais au nom d’un Christ qui lava les pieds des siens.


Ce que je crois, c’est que ce rejet de l’Église, ce rejet violent et parfois même haineux, a eu un rôle providentiel, malgré lui. Il a secoué les fondations. Il a dévoilé les hypocrisies, les abus, les inerties. Il a obligé le corps ecclésial à se regarder en face, à écouter à nouveau le cri de l’Évangile. Il a peut-être même sauvé, pour un temps, son âme.


Mais toute libération, si elle n’est pas habitée par un appel, finit par devenir errance.


Et c’est là que le bât blesse.


Car ce qui s’est levé au nom de la liberté s’est peu à peu mué en une suspicion généralisée à l’égard de toute forme de norme. Ce que l’on rejetait d’abord, c’était le carcan moral d’une Église perçue comme oppressive. Mais à force de frapper cette figure, on a fini par s’habituer à l’idée que toute exigence morale était, en soi, suspecte. Et aujourd’hui, que reste-t-il ? Une société qui proclame le droit à tout, mais qui ne sait plus dire le bien. Une société où chacun est invité à « se réaliser », mais où plus personne n’ose poser la question du sens.


Le Christ disait : « La vérité vous rendra libres » (Jean 8,32). Mais à condition de vouloir encore la chercher. À condition de ne pas confondre liberté et déracinement. La liberté évangélique n’est pas un arrachement aux limites, c’est un passage. Une Pâque. Une exigence joyeuse, celle de l’amour vrai. Et l’amour, s’il veut être vrai, s’adosse toujours à un cadre, une fidélité, une parole donnée.


Zygmunt Bauman, sociologue du monde contemporain, parlait d’une époque « liquide » : plus de forme stable, plus de structures durables, plus de repères communs. Tout s’adapte, tout se dissout. Même la morale. Même la souffrance. Même le mal.


On en vient à croire que toute parole un tant soit peu verticale est une agression, une domination. Et l’Église, du fait même de sa mémoire, devient le bouc émissaire commode. Peu importe qu’elle ait changé, qu’elle se soit humiliée, qu’elle soit traversée de courants prophétiques et pauvres : on lui en veut d’incarner encore quelque chose comme une colonne. Et l’on frappe la colonne, espérant que le temple entier s’écroule. Mais quand tout tombe, que reste-t-il ? Le vide. Un vide où l’on confond compassion et permissivité, où l’on redoute plus le jugement moral que le mal en lui-même.


Je ne nie pas les fautes. Je les pleure. Mais je refuse de croire que les scandales de l’Église invalident toute proposition morale. Je refuse aussi de croire que ceux qui frappent aujourd’hui si fort sont eux-mêmes exempts de toute responsabilité. Car le rejet du catholicisme est parfois, bien plus qu’un rejet du cléricalisme, un refus de s’entendre dire que certaines choses, peut-être, blessent l’âme.


Et si, au fond, nous avions peur de ce que l’Évangile pourrait encore exiger de nous ?


Le religieux comme miroir de l’inconscient collectif


« Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Luc 23,34)

Ce que l’on hait, souvent, ce n’est pas l’objet en lui-même, mais ce qu’il révèle de nous. On ne brise pas un miroir parce qu’il est faux, mais parce qu’on y voit une image qu’on ne supporte plus. Et s’il en allait ainsi du rejet du religieux ? Si l’Église, malgré ses failles bien réelles, dérangeait moins par ce qu’elle est que par ce qu’elle reflète ?


Depuis les Lumières, et plus encore depuis Mai 68, le catholicisme en France est devenu le réceptacle d’une méfiance ancienne, d’une suspicion presque instinctive. Il incarne pour beaucoup un passé figé, des chaînes morales, une voix patriarcale dont il faudrait enfin se libérer. On se méfie de son langage, de ses silences, de ses rites. Elle gêne. Elle irrite. Elle éveille quelque chose de trop intime pour que cela soit neutre.


Mais peut-être faut-il retourner le regard.


Et si ce que l’on combat dans l’Église, ce n’était pas une autorité extérieure, mais un écho intérieur ? Une vérité que l’on ne veut plus entendre parce qu’elle parle du cœur humain avec trop de clarté. Parce qu’elle met des mots, parfois rudes, sur nos fractures. Parce qu’elle parle de faute, de pardon, de conversion. Et que ces mots brûlent, surtout lorsqu’on prétend n’avoir besoin de rien d’autre que de soi.


Carl Jung écrivait que nous projetons sur le monde extérieur ce que nous refusons de voir en nous-mêmes. Le christianisme, en tant que discours du salut, n’est pas d’abord une morale ; c’est un miroir. Il nous dit que nous sommes fragiles, dépendants, appelés. Il nous dit que le mal n’est pas qu’un problème social, mais aussi une brisure intime. Il nous dit que la liberté, la vraie, ne consiste pas à tout faire, mais à apprendre à aimer. C’est insupportable pour une époque qui sacralise l’autonomie.


« Celui qui fait la vérité vient à la lumière » (Jean 3,21). Ce verset, oublié, est pourtant un seuil. Car faire la vérité, ce n’est pas seulement confesser ce que l’on a fait — c’est oser se voir tel que l’on est, devant un Autre qui, justement, ne détourne pas le regard.


L’anticléricalisme moderne, s’il a eu ses raisons historiques, s’est parfois transformé en une forme d’aveuglement collectif. Une manière de refouler la soif spirituelle, la soif de sens, de verticalité, de transcendance. Marcel Gauchet, philosophe, historien et sociologue français contemporain parle du christianisme comme de « la religion de la sortie de la religion ». Et si cette sortie avait été une étape nécessaire, mais pas une fin ? Et si, au bout de la sécularisation, l’homme moderne découvrait qu’il lui manque quelque chose de fondamental, non pas pour obéir, mais pour exister ?


Nous ne sommes pas devenus des êtres post-religieux. Nous sommes devenus des êtres orphelins de sacré. Et c’est peut-être pour cela que nous frappons si fort sur ce qui en porte encore la trace. L’Église dérange, non parce qu’elle est puissante — elle ne l’est plus — mais parce qu’elle continue, contre vents et marées, à parler d’âme, de chute, de salut. À dire que l’homme est plus que ce qu’il consomme, ce qu’il désire, ce qu’il revendique.


Et cela, dans un monde de miroirs sans tain, est presque une offense.


Morale et vérité : la tentation de l’évitement


« Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés ! Combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses petits sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu ! » (Matthieu 23,37)

Il est une pente douce, presque imperceptible, sur laquelle notre époque semble glisser : ne plus chercher la vérité, mais fuir ce qui pourrait la révéler. Cette tentation — car c’en est une — ne prend pas les traits d’un rejet brutal. Elle avance masquée. Elle se présente comme bienveillance, ouverture, tolérance. Mais à bien y regarder, elle repose sur une peur. Peur de devoir répondre de soi.


Longtemps, l’Église a incarné, pour le meilleur et pour le pire, un lieu où cette responsabilité était rappelée. Et c’est peut-être cela, plus que tout, qui dérange encore aujourd’hui. On ne hait pas seulement l’institution pour ses abus — bien réels et graves — on la hait parce qu’elle exige, ou du moins parce qu’on croit qu’elle le fait. Parce qu’elle rappelle qu’il y a un bien et un mal. Que l’homme n’est pas neutre. Qu’il a des comptes à rendre, à lui-même, à l’autre, à Dieu.


Alors on frappe. On accuse. Et parfois, on a raison. Mais dans ce déferlement de critiques, ne sent-on pas une forme d’acharnement sélectif ? D’obsession ? Comme si frapper l’Église, c’était un peu frapper cette part en nous qui n’a pas renoncé à croire qu’il y a une vérité. On se rassure ainsi. On dit : « Voyez, eux aussi ont failli. Donc plus personne ne peut prétendre à la morale. » Et l’on se donne ainsi la permission de ne plus rien exiger de soi.


« Pourquoi vois-tu la paille dans l’œil de ton frère, et ne remarques-tu pas la poutre dans le tien ? » (Matthieu 7,3). Cette parole du Christ n’est pas un appel au relativisme. Elle n’invite pas à cesser tout discernement. Elle pointe la facilité du transfert, la douce ivresse du jugement quand il permet de ne pas se regarder soi-même.


Le penseur et anthropologue René Girard, connu pour sa théorie du désir mimétique et du mécanisme du bouc émissaire, a décrit ce processus ancestral avec une rare clarté : pour éviter l’implosion des tensions sociales, les groupes humains projettent leur propre violence sur une victime. Ils la désignent, l’accusent, l’éliminent symboliquement ou physiquement, et retrouvent ainsi une paix temporaire. Et si l’Église, aujourd’hui, était devenue ce bouc émissaire moderne ? Si elle portait, aux yeux du monde, toutes les tares qu’on ne veut pas voir ailleurs — dans la politique, l’éducation, la famille, l’intime ?


Il ne s’agit pas ici de l’absoudre. Il s’agit de ne pas se tromper de combat. La vérité chrétienne, quand elle est vécue et non imposée, n’est pas un pouvoir, mais une lumière. Une lumière qui éclaire l’homme dans ses grandeurs et ses fêlures. Qui lui dit qu’il peut tomber, mais aussi se relever. Et c’est cela qu’on refuse souvent d’entendre : qu’il nous faudrait changer. Qu’il existe une justice qui dépasse nos justifications.


La sociologie de Pierre Legendre rappelle que toute société a besoin d’un lieu symbolique où se pose la loi. Pas pour enfermer, mais pour structurer. L’homme sans limite n’est pas libre, il est perdu. Et dans une époque qui détruit les repères au nom du progrès, il devient urgent de redécouvrir ce que la parole chrétienne propose : une exigence non comme condamnation, mais comme promesse.


Car fuir la morale, c’est fuir aussi la possibilité d’un bien. Et fuir la vérité, c’est finir par ne plus rien espérer.


Le scandale de la sainteté : pourquoi le monde hait les saints


« Ils m'ont haï sans raison. » (Jean 15,25)

Il y a des haines qu’on croit rationnelles et qui ne le sont pas. Elles brûlent d’un feu plus ancien, plus profond, celui d’un refus instinctif. Et s’il en allait ainsi de la haine que beaucoup nourrissent envers l’Église ? Et si ce rejet n’était pas tant celui d’une structure ou d’une institution, que celui de la sainteté elle-même — ou du moins de ce qu’elle rappelle ?


Car soyons clairs : ce n’est pas l’Église comme organisation que notre époque combat le plus violemment. Elle a perdu son pouvoir politique, elle s’est affaiblie, divisée, marginalisée. Non, ce que le monde hait encore, parfois avec une rage sourde, c’est la trace de radicalité qu’elle conserve. Sa manière, même discrète, de dire : « Il y a plus. Il y a autre chose. Il y a une lumière. » Une lumière qui révèle — et donc qui dérange.


« Le monde ne peut vous haïr ; mais moi, il me hait, parce que je rends témoignage que ses œuvres sont mauvaises. » (Jean 7,7)

Ces paroles du Christ, oubliées des catéchismes modernes, résonnent d’une actualité troublante. Elles ne sont pas une plainte. Elles sont une clef. Il y a dans la sainteté quelque chose de scandaleux, non parce qu’elle juge, mais parce qu’elle existe. Elle rappelle que la banalité n’est pas tout. Que l’homme n’est pas fait pour la demi-mesure. Qu’il peut — qu’il doit — se donner tout entier.


Et cela, dans une époque qui sanctifie le compromis, est insupportable.


On aime les discours inclusifs, les spiritualités floues, les sagesses zen de salon. On célèbre les religions à condition qu’elles ne disent rien de trop tranché, qu’elles s’intègrent dans l’écosystème consumériste, qu’elles soient utiles, thérapeutiques, douces. Mais la sainteté n’est pas douce. Elle dérange. Elle coupe, elle tranche, elle appelle. Elle ne propose pas l’équilibre : elle propose la croix.


Les saints ne sont pas des modèles de perfection aseptisée. Ils sont des incendies. Des ruptures. Ils témoignent que Dieu est réel, non pas comme un concept, mais comme un feu vivant. Et ce feu, le monde le craint. Car il éclaire trop. Il ne s’impose pas — mais il expose.


Et c’est bien ce feu que le Christ est venu allumer : « Je suis venu jeter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » (Luc 12,49).

Cette parole, explosive, souvent mise de côté, contient la vérité nue de l’Évangile : il ne s’agit pas d’apaiser le monde, mais de le brûler au feu de l’amour, au feu de la vérité, au feu de la sainteté.


Michel Foucault, dans ses travaux sur le pouvoir et la morale, montrait à quel point la parole qui dit le vrai est toujours perçue comme une menace pour les structures dominantes. Il parlait du parrêsia, cette audace de dire, envers et contre tout. Or c’est bien cela que l’Église porte, dans ses figures les plus authentiques : une parole qui ne se courbe pas devant l’époque, qui ne se plie pas aux injonctions du progrès ou du confort. Une parole nue. Incendiaire. Inutile. Sacrée.


Et cette parole, quand elle est portée par des hommes et des femmes brûlés de Dieu, devient insupportable.


Alors on ironise, on ridiculise, on marginalise. On jette les saints aux oubliettes de l’histoire ou aux marges de la folie. On les accuse d’orgueil, de névrose, d’intégrisme. On les transforme en caricatures ou en icônes mortes. On fait tout, sauf écouter ce qu’ils disent — parce qu’on sent bien qu’il y a là quelque chose d’irréductible, un reste de sel, un éclat de ciel qu’on ne peut domestiquer.


Le monde hait les saints parce qu’ils ne nous laissent pas tranquilles.


Et peut-être qu’en fin de compte, c’est encore cela que l’Église porte de plus vivant : non pas une autorité, mais une mémoire brûlante, la mémoire des fous de Dieu qui ont préféré tout perdre plutôt que de trahir l’Amour.


Quand la liberté offense : le blasphème comme devoir, ou le triomphe du vide


« Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le pour eux, vous aussi de même. » (Luc 6,31)

Alors oui, le monde hait les saints, et avec eux l’idée même qu’un homme puisse ne pas appartenir à lui-même. Mais à force de combattre ce feu, que cherche-t-on vraiment à éteindre ? Et si cette rage contre la sainteté, contre l’Église, contre le sacré, dissimulait une soif inavouée ? Un manque ? Un appel inversé ?


C’est là que surgit une question plus vaste, plus brûlante encore : qu’attendent vraiment nos contemporains de cette haine, de cet acharnement, de ce droit au blasphème devenu, chez certains, une sorte de devoir civique ? Dans quelle société voulons-nous vivre, si la provocation devient vertu, et l’offense, un art ? Faut-il vraiment, pour prouver notre liberté, marcher sur ce que l’autre aime, railler ce qu’il croit, profaner ce qui le fait tenir debout ?


Dans un pays qui se veut civilisé, éclairé, fraternel, que signifie ce mépris tranquille des sensibilités les plus profondes ? On se cache derrière la loi — « j’insulte ta religion, pas toi ; en France, on a le droit » — mais que vaut ce droit exercé sans conscience, sans amour, sans regard vers l’autre ? Quelle grandeur y a-t-il à froisser sciemment ce qui, pour un cœur, est sacré ? La liberté, disait un vieux mot oublié, n’est rien sans la charité.


Alors que cherchons-nous vraiment ?

À purifier la société du religieux ou à évacuer l’inconfort que provoque en nous l’existence d’un autre regard sur le monde ?

À faire tomber les idoles ou à nous convaincre que tout se vaut — pour ne plus avoir à choisir ?

Et au fond, dans ce droit érigé en obligation d’humilier ce qui échappe à nos certitudes, qu’est-ce que cela dit de nous ?


La vraie question est peut-être là.

Et c’est celle que je laisse en suspens, pour un prochain article :


Si le blasphème est un droit, pourquoi devient-il pour certains une nécessité ? Et qu’est-ce que cela révèle de notre vide moral ?




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